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Characters in Rutherford's life

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Martha Rutherford 

(1843-1935)

Throughout his existence, Ernest Rutherford has had multiple encounters that changed his destiny. The first is, of course, his mother, Martha. Despite the estrangement due to his scientific career, he will keep a deep attachment to her.
Rather than retracing his entire life here, I invite you to discover it through an extract from my novel Chercher le principe même du monde ("Seeking for the very principle of the world")

(This extract has not yet been translated)

Pictures:

  • Martha Rutherford near the end of her life. Source: "Rutherford's ancestors", by John C. Campbell

  • Martha Rutherford with her daughter Eva and (from left to right) her sons Charles, Ernest, Jim and Herbert in 1885 (Ernest is 14). Credit: Tyree, Rutherford family Source " Rutherford's Nuclear World "

  • Martha and James Rutherford, Ernest's parents Source: Alexander Turnbull Library

Martha Rutherford et 5 enfants

     Filiforme et osseuse, Martha Rutherford avait pourtant porté sa part du fardeau qui s’était imposé à son couple au cours de leurs trente-cinq années de vie commune. En premier lieu, son corps menu avait mis au monde douze enfants, tous aussi solidement charpentés que leur père. Il suffit de considérer qu’elle avait été enceinte le quart du temps écoulé depuis son mariage pour mesurer les ressources que son organisme y avait investi.

     Pour autant, Martha ne s’était jamais plainte de cette succession de grossesses : elles représentaient surtout, à ses yeux, l’occasion de réalimenter la source de son bonheur et de sa fierté. D’autres événements l’avaient marqué de manière bien plus douloureuse, alors qu’elle n’était qu’une enfant. Et d’autres, plus destructeurs encore, viendraient la frapper par la suite.

     La première meurtrissure que le destin lui imposa fut la mort de son père, quand elle avait douze ans. S’ensuivit un exil à l’autre bout du monde : sa mère et sa grand-mère, veuves toutes deux, quittèrent l’Angleterre pour venir trouver refuge auprès des oncles de Martha, négociants à New Plymouth.

     L’âge où Martha devint orpheline peut sembler un détail, mais le fait qu’elle ait connu une éducation anglaise des plus convenables pendant les douze premières années de sa vie joua bien plus tard un rôle non négligeable dans le déroulement de la scolarité de son quatrième enfant — et dans les études et les succès scientifiques qui prolongèrent ces premières années d’apprentissage. L’impact de Martha sur le destin d’Ernest apparaît d’autant plus important que ses propres frères ainsi que ceux de son mari étaient des hommes de la terre ou des artisans de villages perdus, peu ou pas éduqués.

     Arrivée à douze ans dans l’île du Nord, Martha tira bénéfice des enseignements de qualité reçus dans son enfance seulement après avoir déménagé dans l’île du Sud. Mais, là encore, le transfert ne se fit pas dans les plus agréables conditions : c’est en effet en tant que réfugiée de guerre qu’elle fut évacuée avec ses oncles, sa grand-mère et sa mère jusqu’à Nelson — principale ville de la rive sud du détroit de Cook, qui accueillerait, quelques années plus tard un lycéen prometteur doté d’un physique de rugbyman et d’une insatiable envie d’apprendre. Un nouveau conflit entre Maoris et colons européens embrasa en effet la région de Taranaki en 1860. Martha avait alors dix-sept ans — et elle n’imaginait sans doute pas revenir au même point avec mari et enfants vingt-huit ans après.

Ce déplacement de l’île du Nord vers l’île du Sud fut néanmoins à l’origine d’une période bien plus heureuse pour la jeune fille : sa mère se remaria avec un fermier de la région, trouva un emploi d’institutrice à Spring Grove, le village de son mari, puis tomba enceinte. Cela obligea à lui chercher une remplaçante ; et ce fut Martha qui obtint le poste.

     Pendant sa courte carrière d’enseignante, elle ne reçut que des éloges. Ses qualités pour ce type d’emploi étaient telles qu’à la suite du décès de son collègue masculin il lui fut proposé de prendre en charge la totalité des élèves — les garçons en plus des filles. Belle reconnaissance de son travail ! Et puisque la valeur d’une récompense se comprend mieux avec des données chiffrées, il est utile de préciser que la classe supplémentaire qu’on lui « offrit » portait le nombre de ses élèves à soixante-dix. Avec des âges s’échelonnant de cinq à quatorze ans, travailler dans l’école de Spring Grove ressemblait plus à un test de résistance au stress qu’à une mission d’enseignante. Elle continua cependant à faire progresser écolières et écoliers de Spring Grove et à recevoir des pluies d’éloges des inspecteurs.

     Puis elle rencontra James, s’installa, attendit son premier enfant, quitta son poste, et s’engagea pleinement dans son rôle de mère de famille. Un rôle si naturel, logique et fréquent, qu’il en devient naturellement, logiquement, fréquemment invisible ; alors qu’il mériterait bien plus les adjectifs courageux, opiniâtre et fondamental. Sans Martha Rutherford, née Thompson, il n’y aurait jamais eu de professeur Ernest Rutherford.

Martha et James Rutherford

« La connaissance est un pouvoir », telle était la maxime qui sous-tendait toutes les actions de l’ancienne institutrice. C’est ainsi qu’avant leur cinquième anniversaire, marquant le début de la scolarité obligatoire, tous les enfants Rutherford pouvaient réciter leur alphabet, savaient lire et épeler des mots d’une syllabe et maîtrisaient les multiplications jusqu’à la table de douze. La suite logique fut leur mainmise sur les premières places du classement pendant toutes leurs années d’école primaire ainsi que le passage haut la main de l’examen prévu à la fin de la scolarité obligatoire. George, Nell et Alice, contraints par le droit d’aînesse — qui était en l’occurrence plutôt un devoir —, réalisaient plus de corvées à la maison et disposaient donc de moins de facilités que les plus jeunes. Tous trois passèrent néanmoins avec succès leur examen un peu avant l’âge requis, à savoir douze ans. Ern et Jim firent de même, mais avec deux ans d’avance.

     Il faut préciser que la méthode Martha Rutherford s’appuyait sur deux piliers inébranlables : l’exigence et la régularité. C’est ainsi que chaque soir, d’un bout à l’autre de l’année et chaque année l’une après l’autre, toute la marmaille se retrouvait autour d’elle, dans une ambiance studieuse — pour ne pas dire sévère — et passait plusieurs heures à apprendre et réciter ses leçons et à réaliser ses exercices. La seule exception était la soirée du samedi : après le bain hebdomadaire et le repas, Martha se mettait au piano et James au violon ; parents et enfants entonnaient des chansons enjouées, symbole de leur vie simple de pionniers sans grands moyens, mais riches d’énergie, de volonté et d’une solide affection les uns pour les autres.

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