Les personnages de la vie de Rutherford
Tableau de William Orpen, 1912
Source : Wikimedia Commons
Arthur Schuster (1851-1934)
En 1906, Arthur Schuster, qui approchait de la soixantaine, voulut céder sa place de directeur du département de physique de l'Université de Manchester. Il imposa cependant une condition aux décideurs de l'université : que son remplaçant soit un chercheur néo-zélandais de 35 ans, installé à Montréal : Ernest Rutherford.
Afin d'attirer Rutherford, Schuster lui offrit les meilleures conditions, matérielles et salariales, et devint l'adjoint de son successeur pour lui permettre de dégager plus de temps pour la recherche.
Rutherford accepta, s'entoura d'une équipe internationale de grande qualité et put alors continuer ses travaux sur les corps radioactifs.
C'est à Manchester qu'il développera son modèle atomique.
Une des particularités d'Arthur Schuster, outre son élégance et son ouverture d'esprit, était son aisance financière (situation vraiment exceptionnelle pour un physicien). Cette richesse relative, obtenue par héritage, s'accompagnait d'une grande générosité.
Un homme que j'aurais apprécié de rencontrer.
Peut-être m'aurait-il invité à sa table?
Extrait de mon roman qui relate le premier dîner de Rutherford chez Schuster :
Il l’invita à dîner dès le lendemain de son retour – non pas pour le consoler d’une humeur dont il ne devinait rien mais pour alléger sa solitude ; et apprendre à le connaître un peu mieux. La cordialité du couple Schuster était légendaire dans la bonne société mancunienne. Kent House, sa villa blanche enchâssée dans le havre de verdure du quartier de Victoria Park, avait vu passer depuis douze ans une foule de chercheurs, d’étudiants, d’enseignants de multiples disciplines mais aussi des artistes, des prélats, des politiciens de tous bords et de toutes origines. Né juif et allemand, Schuster était désormais chrétien et anglais et marié à une écossaise. Fils d’un industriel du textile, il s’était orienté vers une carrière scientifique. Ayant commencé sa formation à Francfort, il l’avait approfondi à Genève puis à Manchester. Chercheur débutant et peu fructueux dans cette ville il avait ensuite tenté sa chance à Heidelberg, puis Berlin, puis Cambridge, pour finalement revenir dans la cité où il vivait désormais. Enseignant de mathématiques puis de physique, il avait aussi participé à des expéditions d’observation astronomique. Toujours élégant et cérémonieux, voire quelque peu gourmé, il n’en était pas moins chaleureux. Très réservé il savait cependant se montrer amical. Scientifique jusqu’au bout des ongles, il se voulait aussi artiste – et sa peinture et ses dessins, en toute honnêteté, étaient d’assez bonne tenue. Ce tissu de contrastes expliquait en partie la grande variété de convives qui prenait place à sa table, tant il lui était loisible de revendiquer des liens avec des groupes disparates. Mais les déracinements successifs qu’il avait connus et le sentiment de reconnaissance qu’il éprouvait à l’égard de tous ceux qui l’avait accueilli n’étaient sans doute pas étrangers à sa cordialité.
Arthur Schuster dans son bureau à Kent House, Manchester, vers 1901
Source : Wellcome Collection
À suivre...
Image Jean-Paul Jandrain /Pixabay