Les personnages de la vie de Rutherford
William Ramsay (1852-1916)
Talentueux chimiste britannique, William Ramsay a acquis sa renommée grâce à la découverte des gaz rares, dans les années 1890. Cela lui a valu un prix Nobel en 1902. Hélas, la suite de sa carrière a été émaillé d'annonces tonitruantes de nouvelles découvertes.... bien souvent remises en causes par d'autres expérimentateurs... dont Marie Curie et Ernest Rutherford.
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William Ramsay en 1904. Source : NobelPrize.org
En dehors de Lord Kelvin, William Ramsay fut sans doute le plus virulent opposant d'Ernest Rutherford.
Leur confrontation débuta dès 1903, quand, travaillant avec Frederick Soddy à Londres, Ramsay mit en évidence la formation d'hélium lors des désintégrations radioactives. C'était une avancée intéressante, à laquelle Rutherford, en voyage en Angleterre cet été-là, put assister.
Le souci est que Soddy et Rutherford, qui avaient travaillé ensemble à Montréal, avait établi un plan de travail au moment où le premier des deux avait quitté le Canada. Leurs but était de ne pas réaliser deux fois les mêmes opérations de chaque côté de l'Atlantique. Ils avaient ainsi décidé que Rutherford se chargerait de la mise en évidence de l'hélium. De voir les deux chimistes londoniens mener cette expérimentation le mit donc quelque peu en colère. Rutherford ne fit aucune remarque, mais se jura de garder en mémoire cette entourloupe.
Cela dit, et malgré son irritation, Rutherford alla même jusqu'à prêter une partie du radium qu'il venait d'acheter dans la capitale anglaise. Il était en effet fondamental que Ramsay et Soddy reproduisent leur expérience pour confirmer leurs résultats. Et Rutherford plaçait les avancées de la science bien au-dessus de sa susceptibilité.
Ramsay ne s'arrêta pourtant pas là. En 1907, il prétendit démontrer qu'il était possible de modifier la transformation du radium, en changeant les réactifs auquel on le soumettait.
Il affirma en effet avoir obtenu, à la place de l'hélium, soit du néon sous l’action de l’eau, soit du lithium en présence de cuivre. Il remettait ainsi lui-même en question ses résultats de 1903, de même que les conclusions de toutes les équipes qui, de par le monde, avaient travaillé sur le sujet.
Qu'il s'agisse de Marie Curie, à Paris, de Rutherford, désormais à Manchester, ou de leurs collègues en Allemagne ou dans le nouveau monde, tous les scientifiques s'accordaient à dire qu'il était impossible d'influencer une désintégration radioactive, que ce soit en augmentant la température ou la pression, ou en mélangeant le radium avec divers réactifs,
Mais l'un des principes de Rutherford, était de ne jamais négliger la moindre piste, même la plus farfelue.
Avec un de ses assistants de Manchester, il s'attela donc à reproduire l'expériences de Ramsay dans laquelle le radium se transformait en néon, tandis qu'à Paris, Marie Curie, épaulée par Ellen Gleditsch, se chargeait de tenter de reproduire la réaction de production de lithium
Pour les deux binômes, cela entraînait un gaspillage de temps et de radium – deux ressources déjà peu abondantes – mais la démarche scientifique exigeait d'en passer par là.
Bertram Boltwood, l'ami américain de Rutherford, fut un peu plus critique vis-à-vis des affirmations de Ramsay. Dans une lettre à Rutherford, il écrivit :
« Je me demande pourquoi il n’a pas encore montré que le mélange d’émanation du radium avec du kérosène fournit de la salade de homard. »
et dans une autre :
« Vos chimistes anglais forment un véritable orchestre d’incapables, et c’est Ramsay qui tient la baguette. Si vous réussissez à réfuter sa dernière crise de folie, j’espère que cet olibrius sera enterré si profondément dans la fange que même son nom sera oublié à jamais.»
Rutherford parvint à démontrer que le néon que Ramsay pensait avoir formé provenait en fait de l'air extérieur et que sa présence s'expliquait par son caractère gazeux et par le fait que Ramsay avait dû mal boucher ses récipients.
Les conclusions de Marie Curie ne furent pas plus positives pour le chimiste anglais, puisqu'elle détermina que le lithium détecté en fin de réaction ne venait pas d'une transformation du radium, mais était simplement une impureté présente dans les flacons en verre utilisés.
Deux erreur de débutant qui aurait mérité à Ramsay le sort que Boltwood lui avait prédit.
Mais il n'en fut rien ; et William Ramsay continua a déployer ses talents, à la fois pour bâcler ses expériences et pour nuire à son prochain.
En 1908, en effet, quand l'un de ses assistants, un certain Otto Brill, lui rapporta de Vienne un colis de radium qui aurait dû être partagé avec Rutherford, Ramsay déclara que ce serait dommage de diviser cette dotation... et garda tout pour lui.
Stefan Meyer, le patron de l'institut viennois du radium, fournisseur de ce métal aux Anglais, fut informé de l'affaire. Il réexpédia aussitôt, gracieusement, la quantité dont Rutherford avait besoin. Et cette fois-ci, le colis ne transita pas par Londres.