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Les personnages de la vie de Rutherford

Lord Kelvin vers 1896.png

Sir William Thomson,  first baron Kelvin

of Largs (1824-1907)

   Né à Belfast, mais installé avec ses parents à Glasgow dès l'âge de 8 ans, William Thomson fit toute sa carrière dans cette ville. 

Après un passage inévitable à Cambridge pour ses études, il débute à l'âge de 22 ans comme professeur de Philosophie Naturelle dans l'université de sa ville écossaise d'adoption. À son époque, le terme Philosophie Naturelle regroupait tout ce que l'on appellerait plus tard physique et chimie. Et William Thomson n'avait pas encore de barbe. 

Images :

Figure majeure des sciences de la deuxième moitié du XIXè siècle, Lord Kelvin a été un soutien d'Ernest Rutherford au cours des premiers mois de sa carrière ... avant de devenir un de ses plus virulents opposants. 

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  Véritable touche-à-tout, William Thomson laissera sa marque dans de multiples domaines des sciences : électricité, magnétisme, astrophysique, thermodynamique et j'en passe. Si cela vous intéresse, vous pouvez aller voir toutes les théories, équations et autres notions portant son nom. Lequel nom n'est pas Thomson (trop banal) : c'est sous le patronyme Kelvin que cette figure majeure des sciences est passé à la postérité. En 1866 il fut en effet fait chevalier et en 1892 il fut élevé au rang de baron. Il prit alors le nom de Lord Kelvin of Largs, s'inspirant de la rivière Kelvin qui passe près de son université.

Lord Kelvin 1871.jpg

  C'est ainsi que lorsqu'on utilise le Kelvin, unité de la température absolue (qui est une notion imaginée par William Thomson), on fait référence à un cours d'eau écossais de 35 km de long (qui, étant donné qu'il n'est pas constitué d'eau pure et qu'il connait une certaine agitation, ne doit pas geler à 273,15 K comme on pourrait le penser (avouez que vous l'avez pensé)).  

  Quand Ernest Rutherford débarque à Cambridge en 1896, Kelvin est la référence scientifique de l'Empire britannique. Il suffit de considérer que l'année de sa naissance, en 1871, le futur Lord Kelvin avait déjà 47 ans (et une barbe, mais qui n'est pas encore blanche). En 1896, un rapide calcul nous indique qu'il en a 72 (et toujours une barbe, bien blanche désormais).

Kelvin river in Glasgow.png

C'est donc un véritable honneur pour le jeune Néo-Zélandais de pouvoir compter le sage de Glasgow parmi les quelques soutiens que remporte sa première invention, son détecteur d'ondes. Mais l'aventure tournera court du fait d'un projet concurrent développé par un italien du nom de Guglielmo Marconi. Les années suivantes seront plutôt marquées par une opposition que par une coopération entre Kelvin et Rutherford. 

C'est la nouvelle orientation de ce dernier dans le domaine de la radioactivité qui est à l'origine des polémiques entre les deux hommes.

En effet, le patriarche de la science britannique s'ingénia à remettre en cause à peu près toutes les découvertes de Rutherford sur ce sujet : les particules alpha et beta mises en évidence par le néo-zélandais n'étaient, pour le savant écossais, que diverses formes d'électricité ; la désintégration radioactive n'existait pas, puisque les atomes étaient éternellement immuables ; l'énergie que Rutherford prétendait issue des des matières radioactives leur était en réalité fournie par le milieu extérieur...

Comme Kelvin assistait à presque la totalité des colloques scientifiques, il était difficile pour Rutherford d'éviter la confrontation. Et même quand le maître de Glasgow était absent, il s'arrangeait pour transmettre des communications qui jetaient encore un doute sur les notions développées par Rutherford. 

L'ultime point d'opposition concerna l'évaluation de l'âge de la terre. 

University Glasgow Scotland ca 1895.jpg

Dans les années 1860, Kelvin avait calculé que la terre ne devait pas avoir plus de quelques dizaines voire quelques centaines de millions d'années. Il resta accroché à ses résultats pendant des décennies, indifférent au fait qu'ils soient en contradiction complète avec les calculs des géologistes et incompatibles avec l'évolution de la vie selon les processus décrits par Charles Darwin.

Kelvin avait tout de même affiné progressivement son évaluation, jusqu'à proposer, en 1897, une valeur comprise entre 20 et 400 millions d'années.

Mais le déroulement des désintégration radioactives, observées par Rutherford et Soddy à Montréal, devaient apporter un argument irréfutable aux idées de l'Ecossais.

En établissant que le radium se désintégrait pour former, notamment, de l'hélium, Rutherford eut en effet l'idée que le rapport entre les quantités de ces deux éléments dans une roche pouvait permettre d'en déterminer l'âge. Cette idée fut exploitée par le chimiste américain et ami de Rutherford nommé Bertram Borden Boltwood. Ce qui permit à Rutherford de présenter, lors d'une conférence à la Royal Society en 1904, des résultats en totale contradiction avec ceux de Kelvin. Mais ce soir là un invité surprise l'attendait. Rutherford a raconté lui même la scène de la manière suivante :

          "J’entrai dans la pièce, qui était plongée dans une semi-obscurité, et remarquai bientôt lord Kelvin dans l’assistance ; je me rendis compte que j’allais avoir quelques difficultés avec la dernière partie de mon intervention concernant l’âge de la Terre, où mes vues étaient en contradiction avec les siennes. À mon grand soulagement, il s’endormit profondément, mais au moment où j’abordais le point important, je vis le vieil oiseau se redresser sur son siège, ouvrir un œil et me lancer un regard torve ! Une inspiration me vint alors, et je déclarai que lord Kelvin avait “ limité l’âge de la Terre à condition qu’aucune source nouvelle de chaleur ne soit découverte. Cette formulation prophétique désigne justement ce que nous examinons ce soir, le radium ! ” Et là, merveille ! Le visage du vieux bonhomme s’épanouit en un large sourire."

Kelvin ne remit pourtant jamais en cause sa vision des choses, même si de nouvelles méthodes développées par Boltwood, permirent d'améliorer encore les calculs... et de s'éloigner de plus en plus des résultats du "vieil oiseau".

Celui-ci finit son vol le 17 décembre 1907. Ernest Rutherford perdit alors son plus fidèle opposant. 

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