Les lieux habités ou visités par Rutherford
Paris (France)
C'est dans la ville lumière qu'a été observée pour la première fois la radioactivité, le domaine dans lequel Ernest Rutherford fera ses premières découvertes les plus cruciales. Et c'est aussi dans la capitale française qu'ont officié plusieurs figures majeures de cette nouvelle discipline, au premier rang desquels Marie Curie.
Visites de Rutherford à Paris
1903 : dîner chez Langevin en l'honneur de Marie Curie
1912 : comité radium
1917 : réunion "Défense"
1918 : réunion "Défense"
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1903 : dîner chez Langevin en l'honneur de Marie Curie
Images :
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La Sorbonne en 1910 - Source : Geneanet
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Extérieur du laboratoire de Pierre et Marie Curie à l’EMPCI en 1898 - Source - Musée Curie - Source : Université de Paris
Alors qu'il habite toujours à Montréal, Ernest Rutherford fait le voyage en Europe pour présenter ses dernières théories sur la radioactivité.
Il intègre dans son séjour un périple à Genève. Sur le chemin du retour, il fait une halte à Paris. Il y reçoit une carte postale de Frederick Soddy lui indiquant, entre autres choses, que Marie Curie désire le voir.
Il se rend au laboratoire de Pierre et Marie, mais ne les y trouve pas. La raison est simple : en ce jour du 25 juin 1903, Marie Curie est en train de présent sa thèse de doctorat.
Ernest rentre à son hôtel, déçu.
Et les enfants ?
Les Langevin ont trois enfants au moment de cette rencontre de 1903 :
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Jean, né le 18 décembre 1899 (3 ans ½)
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André, né le 21 septembre 1901 (presque 2 ans)
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Madeleine, née le 27 janvier 1903 (6 mois)
Une autre fille, Hélène, naîtra le 25 mai 1909
Source : Geneanet.
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Paul Langevin aura un autre fils (Paul-Gilbert Langevin) en 1933 avec Eliane Montel.
En 1903, les Curie ont une fille, Irène, née le 12 septembre 1897, et donc âgée de 5 ans et demi.
Eve Curie naîtra le 6 décembre 1904.
En fait, lors de ce dîner du 25 juin 1903, Marie est enceinte. Mais durant l’été, à cinq mois de grossesse, elle perdra cet enfant. Elle mettra des mois à s’en remettre et n’ira donc pas chercher le prix Nobel qui lui est attribué au mois de décembre de la même année.
En 1907, tous ces parents créeront la Coopérative d’enseignement pour leurs enfants.
Hertha Ayrton, amie anglaise de Marie Curie, enseignera les mathématiques à Irène.
Ernest et May se rendent donc 29 rue Gazan, dans le sud de Paris.
C'est ici que vivent Jeanne et Paul Langevin et leurs trois enfants, dans une maison qui fait face au parc Montsouris.
Pour fêter Marie Curie, Paul a décidé d'inviter les trois membres de son jury, ainsi que ses amis les plus proches, quelques membres de sa famille et, au dernier moment, les Rutherford.
Voici comment je décris cette réunion conviviale dans mon roman :
Un peu plus tard dans la journée, un deuxième message lui parvient. Cette fois-ci, c'est Paul Langevin, le chercheur français qu'il avait connu six ans plus tôt à Cambridge qui lui écrit ; et il l'invite le soir-même à un dîner en l'honneur de Madame Marie SkÅ‚odowska-Curie, toute nouvelle docteure en physique.
Rutherford et son épouse étaient les seuls à ne pas faire partie du cercle des intimes du couple Curie. Une fois entrés dans la coquette villa de Jeanne et Paul Langevin, ils firent en effet la connaissance d’Eugène Curie, beau-père de Marie ; de Bronia DÅ‚uska, sa sœur, qui avait fait spécialement le trajet depuis la Pologne ; de Jean et Henriette Perrin, des trentenaires pétillants et volubiles. Même si les Langevin et les Perrin n’avaient pas de liens de sang avec Pierre et Marie, ils formaient une famille choisie, construite autour d’idéaux communs, touchant autant à l’éducation des enfants, à l’émancipation des femmes, au combat contre les injustices. Ce n’était pas un hasard si, à la suite de Jean Perrin, tous avaient adhéré à la Ligue des droits de l’Homme, dès sa création, cinq ans plus tôt, dans l’agitation qu’avait suscitée la mise en accusation d’Alfred Dreyfus.
Les autres invités, bien que ne faisant pas partie de ce noyau amical avaient des liens anciens et fondateurs avec Marie. Les professeurs Gabriel Lippmann, Edmond Bouty et Henri Moissan étaient en effet les membres du jury qui avait évalué sa soutenance de thèse le matin même. De plus, Lippmann avait aussi été son professeur de physique à la Sorbonne, Bouty l’avait eu comme étudiante à la Faculté des sciences, tandis que c’était par l’intermédiaire de Moissan qu’elle avait pu se procurer les premiers échantillons d’uranium qui allaient la lancer sur la voie des rayons de Becquerel.
Ernest ne connaissait évidemment pas tous ces détails, ni les rôles joués par les plus âgés des convives, ni les liens fraternels unissant la petite troupe des Perrin, Langevin et Curie. Mais il ne put manquer de percevoir la complicité et la grande affection qui transparaissaient dans les paroles, les regards, les sourires et les rires partagés.
C'est dans le cadre de l'École normale supérieure, et dans le contexte de l'affaire Dreyfus, que Jean Perrin s'entoure d'un groupe d'amis indéfectibles, par affinités politiques notamment : ils sont tous socialisants, et farouchement dreyfusards. Il s'agit d'Émile Borel, de Pierre et Marie Curie et de Paul Langevin. Ils militent tous à Ligue des droits de l'homme dès sa fondation, et participent également aux premières universités populaires. Le clan Borel, Curie, Langevin et Perrin est très soudé. Le couple Borel et le couple Perrin seront d'un grand secours pour Marie Curie lors de la mort tragique de Pierre Curie en 1906 et lors de l'affaire Curie-Langevin en 1911.
Extrait de la Fiche "The reader Wiki" de Jean Perrin.
Sources :
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Adresse de Jeanne et Paul Langevin : Pierre et Marie Curie. Papiers. III — CAHIERS DE LABORATOIRE ET CAHIERS DIVERS. CXXXV-CXXXVIII Carnets d'adresses. CXXXVI Écritures de Pierre et Marie Curie, quelques annotations de Marie Curie postérieures à 1906 » Folio 48r
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Marie Curie, par Susan Quinn
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Marie Curie, par Henry Gidel
1912 : réunion de la Commission Internationale des étalons du radium
Compte-rendu donné dans un article de Nature, paru le 4 avril 1912 :
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Le comité formé au Congrès bruxellois de radiologie et d'électricité en septembre 1910, dans le but de fixer un étalon international de radium, dont un compte rendu complet parut dans NATURE du 6 octobre 1910, se réunit à Paris du 25 au 28 mars. Étaient présents Mme Curie, MM. Debierne, Rutherford, Soddy, Hahn, Meyer et Schweidler. MM. Geitel, Eve et Boltwood n'ont pas pu y assister. Le but principal de la réunion était de comparer la norme préparée par Mme. Curie avec d'autres préparés par Hönigschmid à partir du matériel en possession de l'Académie des Sciences de Vienne [...].
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Source : The International Radium Standard . Nature 89, 115–116 (1912)
Contrairement à ce qui est écrit dans l'article de Nature d'avril 1912, Marie Curie, malade, n'est pas présente.
Toutes les mesures sont réalisées par André Debierne, le fidèle adjoint de Marie Curie, en présence de certains membres de la Commission du radium.
De manière à éviter la pollution radioactive (sur laquelle Ernest avait été alerté par Arthur Stewart Eve huit ans plus tôt à Montréal), les opérations ne se font pas dans les locaux de Marie Curie, mais dans un laboratoire de la Sorbonne, prêté par Gabriel Lippmann qui, lui, ne manipule pas de substances rayonnantes.
Marie Curie n'est cependant pas tenue à l'écart : les membres de la Commission déjeuneront chez elle, au 36 Quai de Béthune, sur l'île Saint-Louis. Ce sera l'occasion pour tous de lui rendre une visite de courtoisie mais également de recueillir sa validation des conclusions des journées de travail qui se sont déroulées sans elle à la Sorbonne.
Images :
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Le quai de Béthune dans l'île St Louis, le pont de la Tournelle, la Seine et la cathédrale Notre-Dame - Source : Wikipédia
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Le 36 Quai de Béthune - Source : Wikipédia
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Plaque "Marie Curie" apposée sur la façade du 36 Quai de Béthune - Paris 4è - Source : Wikipédia
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Situation du 36 Quai de Béthune sur l'île Saint-Louis, Paris 4è. Source : Google Map
Ernest Rutherford, malgré toute la sympathie qu'il éprouve pour Marie Curie ne peut s'empêcher d'écrire à Bertram Boltwood, qui est également membre de la commission mais n'a pas fait le déplacement depuis les Etats-Unis :
La réunion s'est déroulée de manière très plaisante et sans la moindre friction. Debierne avait fait d'excellents arrangements pour les appareils de test, et s'est révélé une personne très sensée.
Nous avons tous déjeuné avec Mme Curie et sa famille. Elle a l'air plutôt faible et maladive, mais pas plus qu'à Bruxelles il y a deux ans.
Nous avons tenu une courte réunion à son domicile et nous sommes ensuite retirés vers le Laboratoire pour réaliser les derniers arrangements, avec lesquelles elle était tout à fait satisfaite.
Je pense que nous avons peut-être avancé beaucoup plus vite sans Mme Curie, car vous savez qu'elle à tendance à soulever des difficultés.
1917 : réunion de défense sur la détection des sous-marins
Ernest Rutherford reviendra à Paris en 1917 et reverra à cette occasion plusieurs scientifiques français qu'il apprécie particulièrement..
Mais le motif de son voyage sera très différent de celui de ses deux premières visites dans la capitale française.
Il est en effet responsable de la recherche sur la détection des sous-marins, au sein du BIR, un organisme dépendant de la Royal Navy. S'il se rend à Paris à ce moment-là, c'est pour discuter des avancées respectives des Français et des Britanniques sur le sujet. En effet, son vieil ami Paul Langevin est lui aussi plongé dans le même type de recherches.
Durant son séjour, il réside à l'Hôtel de France et de Choiseul (aujourd'hui Hôtel Costes), 239, 241 rue Saint-Honoré.
Le 18 mai, comme il l'explique dans une lettre à May datée de ce jour, alors qu'il peaufine sa présentation de l'après-midi sur les sous-marins, il voit arriver, sur les coups de 12 heures 30, un taxi conduit par un militaire et à bord duquel se trouvent Paul Langevin, Marie Curie, André Debierne et Jean Perrin. Les quatre Français l'emmènent déjeuner et le traite, selon lui, d'une manière royale. Après son intervention au Ministère des Inventions, il sera conduit au laboratoire de Marie Curie, où, après avoir vu quelques expérimentations, il prendra le thé en compagnie de la directrice du lieu et de Paul Langevin.
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Source :
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Rutherford, simple genius, David Wilson, page 377
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Rutherford: being the life and letters of the Rt. Hon. Lord Rutherford, Arthur Stewart Eve, page 256-257
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Who knew piezoelectricity? Rutherford and Langevin on submarine detection and the invention of sonar, Shaul Katzir, 07 March 2012, Royal Society​​
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Image : Hotel de France et Choiseul - Paris Rue Saint-Honore - Vers 1905
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À suivre...
1918 : réunion de défense sur la détection des sous-marins
Rédaction en cours...
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Sources :
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Rutherford, simple genius, David Wilson, page 385
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Who knew piezoelectricity? Rutherford and Langevin on submarine detection and the invention of sonar, Shaul Katzir, 07 March 2012, Royal Society
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Image Jean-Paul Jandrain /Pixabay