Les personnages de la vie de Rutherford
Ernest Marsden (1889-1970
Jeune étudiant à Manchester, Ernest Marsden joua un rôle important, par une succession de hasards, pour établir l'une des théories fondamentales d'Ernest Rutherford.
Il deviendra par la suite une figure majeure de la science en Nouvelle-Zélande
Images :
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Ernest Marsden à Manchester en 1910. Source : Alexander Turnbull Library
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Ernest Marsden lors de la réception de son diplôle, Manchester 1909. Source : Royal Society of New Zealand Te Apārang
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Reconstitution 3D de l'appareil utilisé par Geiger et Marsden ("expérience de la feuille d'or") Source : Wikipédia
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Schéma simplifié de l'expérience complété par une schéma des trajectoire des particules alpha au travers de la feuille d'or. Source : Phylogame
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Ernest Marsden en 1921. Source : Wikipédia.
Le premier hasard qui bouleversa le destin de Marsden, fut une légère modification dans un montage utilisé par Rutherford, qui était alors directeur du laboratoire de physique de l'université Victoria de Manchester.
Par un bel après-midi de 1908, le Prof, comme l'appelaient plusieurs membres de son équipe, constata en effet qu'un prisme avait été déplacé dans une installation qu'il utilisait avec Thomas Royds, un autre jeune chercheur.
Voyant cela, Rutherford entra dans un colère dont il était coutumier et chercha le coupable.
Or, dans la salle où il venait d'entrer, il n'y avait qu'une seule personne : Ernest Marsden, un étudiant de 19 ans, occupé avec des expérimentations liées à la phosphorescence (un sujet facile, selon l'habitude de Rutherford de ne jamais donner aux débutants des recherches trop complexes, pour leur éviter des échecs et de la frustration lors de leurs premiers mois dans son labo).
« C’est vous qui avez bougé ce prisme ? », brama le Patron à l'adresse du jeune chercheur.
Ce à quoi, Ernest Marsden, adolescent réservé, répondit, sans se laisser impressionner par ce personnage massif qui avait le double de son âge et occupait une place à l'autre extrémité de l'organigramme du département de physique par rapport à lui : "Non".
Pas un mot de plus.
Rutherford quitta la pièce comme une tornade... et revint une heure plus tard.
« Marsden, je peux vous parler ?
— Oui.
— J’ai trouvé le coupable, ajouta le patron des physiciens.
Il tira alors un tabouret à proximité de celui où se tenait son étudiant. Il s’assit lourdement et reprit la parole d’une voix étonnamment posée :
« Je tenais à venir m’excuser de vous avoir mis en cause, tout à l’heure. Je suis vraiment désolé de m’être laissé aller. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur ?
— Non, Professeur, bredouilla l’étudiant.
— Bien, s’exclama Rutherford. Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Marsden lui détailla son sujet d’étude, les progrès qu’il faisait, les difficultés qu’il rencontrait. Rutherford lui demanda ensuite quels étaient ses projets : une thèse ? une carrière de chercheur ? un emploi d’enseignant ? dans quelle université ?
Ils s’entretinrent ainsi pendant plus de deux heures. Plus rien d’autre n’existait, pas même leur écart d’âge et de situation.
Le deuxième heureux hasard dans la vie d'Ernest Marsden survint l'année suivante.
Après avoir travaillé sur la détection des particules alpha avec Hans Geiger, Rutherford avait laissé ce dernier continuer les recherches sur la déviation de ces mêmes particules par différents métaux.
Le Prof lui avait adjoint Ernest Marsden, suivant ainsi l'un de ses principes qui était de faire collaborer un chercheur aguerri avec un débutant.
Or ce débutant expliqua un jour à son patron une amélioration qu'il avait réalisée pour éviter les soucis dans l'étude des alphas : pour être certain que les particules n'étaient pas déviées par des aspérités présentes sur les parois en verre de leur "canon à particules", Marsden avait imaginé de placer des cercles perpendiculaires à l'axe du canon, qui pourraient alors arrêter les particules qui rebondiraient sur ces parois.
De cette idée émise par l'un de ses plus jeunes chercheurs surgit une illumination de Rutherford. Il demanda alors à Marsden et Geiger de voir si ce phénomène de "réflexion des alphas" qui se produisait sur le verre pouvait aussi survenir avec des plaques métalliques. C'est ainsi que naquit la célèbre expérience de la feuille d'or. Laquelle expérience demanda beaucoup de persévérance à Marsden et Geiger, une très longue analyse de la part de Rutherford et donna lieu à la création du modèle atomique de Rutherford.
Petite précision : cette expérience n'aurait pas pu exister sans une innovation cruciale : la création d'un écran circulaire capable de tourner autour de la source de particules alphas, tout en maintenant, à l'intérieur de l'installation, un vide complet. Là encore, ce fut une idée de Marsden.
(Pour plus de détail, voir le descriptif de l'expérience Rutherford-Geiger-Marsden).
À la rentrée universitaire 1911, Ernest Marsden (22 ans) fut nommé maître de conférences à l’Université de Londres.
En 1915, sur la recommandation de Rutherford, Ernest Marsden fut nommé professeur de physique au Victoria College de Wellington, en Nouvelle-Zélande (il ne prit son poste qu'en 1915, du fait que son départ vers les antipodes avait été perturbé par le déclenchement de la Première guerre mondiale).
Marsden fit toute sa carrière dans le pays natal de Rutherford, l'homme qui avait changé sa vie.
Sources :
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Giant of the atom: Ernest Rutherford, Robin McKown, page 97
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Rutherford, Scientist Supreme, John A. Campbell page 328
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Being the life and letters of Lord Rutherford, Arthur Stewart Eve, page 244