Les lieux habités ou visités par Rutherford

Image :
-
Entrée du laboratoire Cavendish sur Free School Lane à Cambridge, en 2007 - Source : Wikipédia​
Cambridge
(deuxième période : 1919-1937)
En 1918, Joseph John Thomson, directeur du Laboratoire Cavendish de Physique Expérimentale, à Cambridge, depuis 1884, est nommé à la tête du Trinity College, l'un des établissements composant l'université.
Initialement, il prévoit de conserver son poste de directeur du laboratoire de physique expérimentale, à Cambridge, mais il s'aperçoit bien vite que les responsabilités de Master d'un college cambridgien sont très prenantes. Il finit donc par accepter de laisser sa place. Et le choix de son remplaçant se porte sur Ernest Rutherford.
Le lieu de travail de Rutherford à Cambridge : le Laboratoire Cavendish
Convaincre le Sénat de l'université de Cambridge de recruter Rutherford en remplacement de J.J. Thomson en 1919 n'est pas chose difficile. Plus compliqué est de parvenir à pousser Rutherford à abandonner le département de physique de l'université Victoria, à Manchester, qu'il a développé, depuis 1907, au point d'en faire l'un des centres de recherche les plus performants de l'Empire britannique... voire du monde.
Les négociations sont menées principalement par Joseph Larmor, professeur de mathématiques et membre du Sénat. Elles durent du 4 mars 1919, date de la première demande de Larmor à Rutherford, jusqu'au 2 avril, jour de l'élection du nouveau professeur. Comme il n'y a qu'un candidat, il obtient le poste. Mais les discussions ne sont pas terminées : jusqu'à la fin du mois d'août, Rutherford va continuer de marchander, mais cette fois-ci avec J.J. Thomson directement, pour définir précisément les attributions de ce dernier. J.J. souhaite en effet garder un pied dans le laboratoire, mais Rutherford veut être seul maître à bord.
Finalement, un accord est signé qui laisse à Thomson la jouissance de quelques pièces, le recours à son fidèle assistant, Ebeneezer Everett, et la possibilité d'être aidé par quelques étudiants. Mais il n'aura rien à dire dans la gestion ou les orientations scientifiques du laboratoire.

Rutherford prend la tête du laboratoire Cavendish de physique expérimentale de l'université de Cambridge en octobre 1919.
Les défis sont nombreux.
Après quatre années de guerre, qui ont tenu les étudiants éloignés des amphithéâtres, ils reviennent en nombre. Le laboratoire, prévu pour en former 300 doit en accueillir le double.
Tout comme la place, le matériel pour assurer les travaux pratiques fait défaut.
Enfin, les enseignants, qu'ils soient "maîtres de conférence" ou professeur titulaire ne sont pas en nombre suffisant pour assurer tous les cours.
Rutherford commence par établir un état des lieux et une liste des investissements indispensables.
Ce document, intitulé L’Histoire et les besoins du laboratoire Cavendish – 1919 est transmis au vice-chancelier de l'université, Arthur Shipley.​
Rutherford commence par récapituler les grandes découvertes faites entre les murs du laboratoire Cavendish, par James Clerck Maxwell et J.J. Thomson, ses prédécesseurs à la tête de ce département.
Il rappelle ensuite le rôle primordial que la recherche scientifique a joué durant le conflit qui vient de s'achever (notamment grâce aux travaux coordonnés par le Board of Invention and Research).
Il expose ensuite clairement et de manière chiffrée les améliorations à apporter pour que le Cavendish maintienne sa réputation et continue de participer aux bénéfices que la science peut procurer à l'industrie et à la société en général (et aux armées en cas de guerre, cela va sans dire).
Il établit ainsi une liste de quatre axes majeurs de progrès :


Images :
-
James Clerck Maxwell in A history of the Cavendish laboratory 1871-1910, pages 14-15
-
Le laboratoire Cavendish vu depuis la cour intérieure. Source : A history of the Cavendish laboratory, 1871-1910, pages 102-103
-
Le laboratoire d'Ernest Rutherford au sein du Cavendish. Source : Wikipédia.
-
Le crocodile de Rutherford, gravé sur le mur du Mond Laboratory, extension du Cavendish. Source : Wikipédia.​
1. Augmentation de l'espace dédié aux laboratoires et aux cours magistraux pour l'enseignement de la physique.
2. Mise à disposition de nouveaux laboratoires bien équipés pour la physique appliquée, l'optique et les propriétés de la matière.
3. Recrutement de trois nouveaux enseignants de haut niveau, compétents pour diriger des études avancées dans les domaines de recherche des nouveaux départements mentionnés ci-dessus.
4. Création d'une nouvelle chaire de physique à l'université.
Il indique ensuite son estimation des dépenses nécessaires : 75 000 livres sterling pour un nouveau bâtiment et 125 000 livres sterling supplémentaires pour financer l'entretien, l'achat d'équipements et les salaires des nouveaux enseignants.
A suivre....
(Cette section est en cours de rédaction.)
En attendant, vous pouvez en apprendre plus sur les années durant lesquelles Rutherford a dirigé le Laboratoire Cavendish, grâce à la vidéo ci-dessous. Il s'agit d'une visite guidée proposée en 2007 par l'historien et philosophe des sciences britannique Simon Schaffer et présentée sur la chaîne YouTube du professeur Alan Macfarlane (tous deux sont enseignants à Cambridge).



Le logement de Rutherford à Cambridge : Newnham Cottage

En mars 1919, Eileen Rutherford, la fille d'Ernest, vient passer les examens d'entrée du Newnham College, un établissement de Cambridge. Elle ne sait pas encore que son père va être nommé dans cette ville. Elle est accompagnée de sa mère, May.
La session d'examen dure plusieurs jours et les deux femmes, qui logent dans un hôtel du centre ville, se promènent le soir sur les "Backs", ces étendues de pelouses encadrées d'arbres qui s'étirent le long de la Cam, sur la rive opposée à celle où sont implantés la majorité des colleges (du moins les plus anciens).
Newnham Cottage - Façade Sud en 2022
Source : Wikimedia Commons
Queen's road borde les Backs à l'ouest et les belles demeurent s'alignent le long de cette avenue. Mais May et Eileen tombent en arrêt devant une propriété qui se démarquent nettement des autres : elle semble à l'abandon, le jardin est une jungle et la maison en très mauvais état. Elles se faufilent clandestinement sur le terrain, font le tour de la bâtisse, étudient chaque détail, y compris le peu qu'elles peuvent voir au travers des vitres ternies par la poussière. Elles sont l'une comme l'autre sous le charme de cette vieille demeure.
Mais les épreuves d'admission du Newnham College s'achèvent et Eileen et May retournent à Manchester.​

Carte de Cambridge en 1925 - de Newnham Cottage (logement des Rutherford) à Free School Lane (laboratoire Cavendish).
Extrait d'une carte de type "Ordnance Survey map 25 inch". Source : National Library of Scotland
Début avril, Ernest Rutherford est nommé à la tête du laboratoire Cavendish. Dès qu'elle le peut, May retourne à Cambridge, se renseigne à propos de la maison délabrée qu'elle avait repérée avec sa fille, obtient confirmation qu'elle est toujours disponible... et convainc son mari que c'est cette maison que la famille doit habiter.
Le contrat de location est signé avec le Caius College, propriétaire du lieu. Les travaux commencent, interrompus presque aussitôt par une grève des ouvriers du bâtiment qui va durer cinq mois.
Finalement, en décembre 1919, Eileen, May et Ernest s'installent dans le Newnham Cottage, (même si quelques artisans seront encore à l'œuvre jusqu'au jour de l'an 1920).
Le couple Rutherford y vivra jusqu'au décès d'Ernest en 1937.
Newnham Cottage, maison située sur le côté ouest de Queens' Road, à 87 mètres au sud de West Road, est un bâtiment de deux étages avec des murs en briques jaunes et un toit recouvert d'ardoises.
[...]
L'aile nord-est actuelle remplace une aile plus étroite démolie vers 1900 ; l'aile nord-ouest est encore plus récente.
Parmi les ajouts mineurs, on peut citer un passage couvert menant à la route et une véranda en fonte vitrée datant du milieu du XIXe siècle, située au sud. Le passage couvert existait déjà en 1836, mais son entrée a été reconstruite et la balustrade en bois ainsi que les supports du côté ouvert au sud ont été rénovés à la fin du XIXe siècle.

​An inventory of the historical monuments in the city of Cambridge, Royal Commission on Historical Monuments (England), 1959, page 375, pour la description et le plan du rez-de-chaussée présentés ici.
​ Newnham Cottage est une maison de type « villa italienne » qui illustre une synthèse réussie entre les valeurs rationnelles et le style néoclassique.
La façade sud présente une partie centrale en retrait de 45 cm, bien que la corniche d'avant-toit se prolonge en ligne droite depuis les ailes latérales. Au rez-de-chaussée, on trouve cinq portes-fenêtres […] ; au premier étage, quatre fenêtres à battants […]. À l'est, deux petites extensions ont été ajoutées. À l'ouest se trouve une petite saillie, probablement un ajout, décrite comme un « oriel » en 1816, avec des fenêtres au sud et à l'ouest, la seconde ayant été convertie à partir d'une porte.

À l'intérieur, au rez-de-chaussée, se trouvent trois pièces principales donnant au sud sur le jardin : un bureau à l'est, une pièce centrale et une pièce à l'ouest plus profonde que les précédentes et traversée par un encorbellement soutenu par des pilastres à chapiteaux sculptés. Partant de cette dernière pièce, l'« oriel » présente une voûte en plâtre quadripartite à nervures, à double centre, reposant sur des corbeaux feuillagés dans les angles et avec des bossages feuillagés ; la fenêtre sud présente des ébrasements en plâtre et un arc mouluré à l'arrière ; en 1816, elle fut « vitrée avec des vitraux anciens ».
L'escalier simple présente des limons coupés et des balustres élancés avec une rampe en acajou.
Newnham Cottage - Façade Sud
Source : Rutherford: being the life and letters of the Rt. Hon. Lord Rutherford, O. M., Arthur Stewart Eve, page 271