Les personnages de la vie de Rutherford
William Henry Bragg
(1862-1942)
Jeune mathématicien diplômé de Cambridge, WHB fut nommé en 1886 à l'autre bout du monde. C'est ainsi qu'il débuta à Adélaïde, en Australie, pour enseigner aussi bien les mathématiques que la physique appliquée.
En 1895, il reçut la visite d'un néo-zélandais de 24 ans, en route pour l'Angleterre. Il n'imaginait pas à quel point leurs destins seraient liés de multiples façons dans les décennies suivantes.
Images :
-
Wiliam Henry Bragg entre 1905 et 1910.
Source : University of Adelaide
-
WHB en 1886, à sa nomination à Adelaide. Source: University of Adelaide, WHB family.
-
Tube à rayons X utilisé par WHB à Adelaide. Source : University of Adelaide, WHB research.
-
W.H.B, Gwendoline , William Lawrence et Robert Charles Bragg devant leur maison, vers 1902. Source : University of Adelaide WHB family.
C'est en 1904 que WHB eut de nouveau des échos d'Ernest Rutherford, mais de manière indirecte.
Cette année-là en effet, lors du colloque annuel de l'Australian Association for the Advancement of Science, WHB devait présider la section "Mathématiques / Physique ".
Il lui revenait donc de prononcer un discours d'ouverture dans lequel, selon la tradition, il dresserait un tableau des dernières avancées de la science.
Or, lorsqu'il avait débuté à Adelaide, il avait certes cherché à se familiariser avec la physique, qui n'était pas de son domaine, mais qu'il devait pourtant enseigner. Il en était cependant resté aux notions de bases, c'est-à-dire les mieux établies (ou, autrement dit, les plus anciennes). Et, surtout, il ne s'était pas lancé dans les moindres travaux de recherches. Au laboratoire, il s'en tenait aux travaux pratiques pour ses étudiants ou à quelques essais (comme avec les rayons X, dont la production était très aisée).
En 1907, Ernest quitta le Canada pour Manchester. En 1909, ce fut au tour de Bragg de se rapprocher du cœur de la science : l'Europe.
Ayant fait ses preuves comme physicien et comme expérimentateur, Il obtint la chaire de physique de l'université de Leeds.
Cela dit, il avait failli changer de poste deux ans plus tôt : Ernest avait effectivement proposé son nom pour le remplacer à l'université McGill de Montréal. Mais la destruction de deux bâtiments du campus par le feu avait imposé au conseil d'administration de réorienter ses dépenses : plutôt qu'un poste de professeur de haut niveau, il était préférable de financer la reconstruction. Et de remplacer Rutherford en offrant une promotion à l'un de ses assistants (moins bien payé) sans recrutement supplémentaire.
La préparation du colloque de l'Australian Association changea radicalement la situation. Car les articles scientifiques qu'il lut pour préparer son discours titillèrent sa curiosité. Ces papiers étaient signés Marie Curie ou Ernest Rutherford et lui donnèrent envie d'observer par lui-même le comportement des particules émises par les corps rayonnants.
C'est ainsi qu'il prit sa place dans la petite troupe de chercheur qui, en quelques points du globe, tentaient de percer les secrets de la radioactivité. Il reprit alors contact avec Rutherford. Lui fit part de ses constatations. Que Rutherford jugea très pertinentes, rigoureuses et utiles. Un vrai partenariat débuta entre Adelaide et Montreal.
Images :
-
Great Hall, Université de Leeds. Source : Wikipédia.
-
Robert Charles Bragg en 1915. Source: Virtual War Memorial Australia.
-
Façade de la Royal Institution à Londres. Source : RIGB.
-
Alban et Gwendy Caroe le jour de leur mariage à la Royal Institution en 1932. Source : RIGB.
-
William Henry Bragg et William Lawrence Bragg dans les années 1930 - Source : Smithsonian Institution Archives, SIA Acc. 90-105 [SIA2007-0340]
Vidéo : WHB en 1931 à la Royal Institution, expliquant l'électromagnétisme, pour le centenaire de la découverte de ce phénomène par Faraday. Source : archives de la RIGB.
Entre le soleil d'Adelaide et les brumes glacée de Leeds le contraste fut rude pour la famille Bragg (surtout Gwendoline et ses deux fils qui était nés tous trois en Australie méridionale ; sans doute moins pour la dernière-née de la famille, Gwendolyn (dite Gwendy), qui n'avait que deux ans).
Dans le cas de WHB un autre motif de frustration augmentait ses difficultés d'adaptation : lui qui était le seul maître à bord dans son département de physique australien se retrouvait n'être plus qu'un pion dans une machine lourde et vieillotte telle qu'une université anglaise.
Dans ces conditions, la proximité d'Ernest Rutherford fut un vrai réconfort. Et le partenariat entamé par-delà les océans se mua en une réelle amitié. Dès qu'il le pouvait, WHB invitait Ernest à Leeds ou lui rendait visite à Manchester. Ils passeront même trois semaines de vacances ensemble en 1912, à Carcassonne et dans les Pyrénées.
Malgré ses difficultés initiales, la carrière de William Henry Bragg en Angleterre confirmera ses talents de chercheur. C'est ainsi qu'il étudiera la diffraction des rayons X par les cristaux et que cela lui vaudra le prix Nobel de physique en 1915, prix qu'il partagera avec son fils aîné, William Lawrence.
Hélas, au mois de septembre de la même année, son second fils, Robert, sera tué à Gallipoli. Profondément bouleversé, WHB ne se rendra pas à Stockholm pour recevoir son prix : il n'aurait pas supporter de se trouver en présence de personnalités allemandes.
La Royal Institution, à Londres, conserve des lettres que Robert Bragg a écrit à sa mère, Gwendoline, pendant les opérations dans lesquelles il a été engagé en 1914-1915. Les dernières ont été écrites à Gallipoli, en août 1915.
Quelques semaines plus tôt, William Bragg avait été nommé au sein du groupe d'experts du Board of Invention and Research, aux côtés d'Ernest Rutherford. Tous deux furent intégrés à la section 2, chargée notamment d'étudier les systèmes de détection des sous marins. Rutherford commença des expérimentations dans son laboratoire de Manchester, qu'il prolongea par des essais en mer, à la station expérimentale de Hawkcraig, en Écosse. Ce site, équipé de manière très rudimentaire, était placé sous la responsabilité d'un militaire, ce qui ne facilitait pas la tâche des assistants que Rutherford y avait envoyés. Finalement, au mois de mai 1916, William Bragg prit la direction des recherches à Hawkcraig.
En décembre 1916, William, ses assistants du BIR déménagèrent dans un nouveau centre de recherche à Harwich, au nord-est de Londres.
En 1915, William Henry Bragg avait connu un autre grand changement puisqu'il avait quitté Leeds à la suite de sa nomination au University College de Londres. Il y enseignera la physique jusqu'en 1923, année au cours de laquelle il deviendra Professeur de chimie et directeur laboratoire de recherche de la Royal Institution.
En 1929, Gwendoline, l'épouse de William Henry, décède à l'âge de 60 ans. Sa fille, Gwendolen (dite Gwendy), âgée de 22 ans seulement et qui a passé toute son adolescence dans les murs de la Royal Institution, prend alors en charge le rôle que sa mère assumait jusqu'alors au sein de cet établissement ; un rôle discret, mais indispensable, pour assurer le bon déroulement des "conférences du vendredi soir", des présentations scientifiques ouvertes au public (Rutherford en donna quelques-unes, voir ici).
À ce propos, je tiens à signaler que parmi les différentes sources que j'ai utilisées pour mon roman se trouve un texte rédigé par Gwendy Bragg (épouse Caroe) (voir ci-dessous).
C'est d'ailleurs au même endroit que Gwendy se mariera en 1932. Ce qui était plutôt normal, puisqu'il s'agissait de la résidence où elle habitait avec son père. Elle y restera, avec son mari, jusqu'en 1942, année de décès de William Henry Bragg.
Pour terminer, je mentionnerai juste que de 1935 et 1940, WHB sera président de la Royal Society (comptant parmi ses prédécesseurs à cette fonction Lord Kelvin, J.J. Thomson ou encore Ernest Rutherford).
Un beau chemin pour le mathématicien qui s'était improvisé professeur de physique à l'autre bout du monde, sans se douter alors des succès qu'il remporterait dans ce domaine - et encore moins des épreuves que la vie lui réservait.
Sources :
-
The Bragg family in Adelaide : a pictorial celebration, John Jenkin, 1986
-
William Henry Bragg, 1862-1942 : man and scientist, Gwendolen Caroe
-
Crystal Clear - Autobiographies of Sir Lawrence and Lady Bragg, review by Peter Ford, IoP History of Physics Newsletter (35) 54-68 (2017), p 59
-
William And Lawrence Bragg, Father And Son, The Most Extraordinary Collaboration In Science, John Jenkin, 2008
-
Early Days of X-ray Crystallography, André Authier
-
Letters to Gwendoline, One story of Gallipoli told through letters home. lettres de Bob Bragg à sa mère, 1914-1915, Royal Institution
-
Spotlight on Gwendy Caroe, Frank James, Royal Institution
-
Rutherford, Scientist Supreme, livre (1999) et site par John Campbell
-
Rutherford, Simple Genius, by David Wilson