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Les personnages de la vie de Rutherford

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Arthur Stewart Eve  

(1862-1948)

Arthur Stewart Eve, dit "Stewie" fut collègue d'Ernest Rutherford à Montréal. Il resta son ami jusqu'à la mort de ce dernier et devint son biographe officiel, sous la supervision de Lady Rutherford, la veuve du père de la physique nucléaire.

Images :  

  • A. S. Eve vers 1913, source : "My Dear Eve...,"  1912–1914, Montague Cohen

  • Équipe du Macdonald Physics Building 1904

  • Biographie d'Ernest Rutherford par A. S. Eve (photo personnelle)

  • A. S. Eve en 1937​. Source : Royal Society

     En janvier 1903, Rutherford, en poste à Montréal depuis un peu plus de 4 ans, reçoit la visite d'un physicien anglais d'une quarantaine d'années, récemment embauché par l’université McGill comme maître de conférences.

     Il se nomme Arthur Stewart Eve, mais se voit plus couramment désigné par le surnom de Stewie.

Il exprime devant Ernest Rutherford son souhait ardent de participer à ses travaux, si possible dès la rentrée du mois d'octobre suivant. 

 

     À l'époque Ernest a plutôt l'habitude d'encadrer de jeunes thésards. Bien sûr, il commence aussi à attirer des chercheurs étrangers : cette année-là son équipe compte un Polonais, Tadeusz Godlewski, deux Allemands, Otto Hahn et Max Levin, ou encore un jeune américain de Yale, du nom de Howard Bronson.

     Il est pourtant très étonné de susciter le même enthousiasme chez un homme de près de dix ans son aîné, qui compte déjà de longues années d’enseignement derrière lui.

     Il finit par comprendre que c'est tout simplement une preuve de sa réputation grandissante.

     Et il accepte la proposition de Stewie, mis en confiance par le visage affable du Britannique.

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Groupe de recherche, Montréal, 1905–1906.

En haut :

G. Dunn, R. Lawrence, Gordon, L. Levi, R.W. Boyle.

 

Au milieu :

R.K. McClung, Otto Hahn, Arthur Stewart Eve.
 

Au premier rang :

M. Levin, H.T. Barnes, John Cox, Ernest Rutherford.

 

 

 


Crédit: Chadwick, 1962, 1 (in The collected papers of Lord Rutherford of Nelson, volume Iface à la page 832)

     La collaboration des deux hommes sera très fructueuse, puisque Rutherford pourra vraiment se reposer sur Stewie, qui dispose d'une expérience que n'ont pas les jeunes recrues du département de physique de McGill. 

     De surcroit, Arthur Eve est doté d'une intuition assez similaire à celle de son patron. L'épisode de l'électroscope capricieux en est un exemple. 

     Mais les liens entre Rutherford et Eve ne resteront pas uniquement professionnels : il ne travaillent ensemble que pendant quatre ans mais restent amis toute leur vie. 

     Quand Ernest quitte Montréal pour Manchester en 1907, c'est à Stewie qu'il demande de gérer ses affaires canadiennes. 

     Quand il veut revendre un terrain qu'il avait acheté à l'ouest du Mont-Royal, c'est à Stewie qu'il demande de s'en charger. 

     Quand le terrain trouve finalement un acquéreur, c'est en fait... Stewie lui-même. 

     Quand l'épouse de Stewie, Lizzie, donne naissance à leur deuxième enfant, fin 1908, c'est à Rutherford que son ami demande d'être le parrain, tandis que la marraine sera Harriet Brooks, l'ancienne assistante d'Ernest à Montréal.... et la soeur de Lizzie Eve.

     Quand la Commission internationale de l'étalon du radium est constituée à Bruxelles en 1910, c'est Arthur Stewart Eve qui est choisi pour représenté le Canada, tandis que Rutherford présidait la commission. 

     Et au fil des ans, des dizaines de courriers sont échangés entre les deux hommes. 

     Enfin, quand Rutherford meurt en 1937, c'est Arthur Stewart Eve qui est choisi par May, la veuve d'Ernest, pour rédiger sa biographie. 

     Pour mener à bien cette mission, il utilise, entre autres sources, la correspondance de son défunt ami et notamment des lettres à sa mère, Martha Rutherford ou à May ; ainsi que divers courriers échangés avec des confrères de par le monde. Finalement, le plus étonnant, c'est que dans la biographie d'Ernest Rutherford rédigée par son ami Arthur Stewart Eve ne figure aucune lettre de l'un à l'autre. Il existe bien les réponses d'Eve, reçues par Rutherford et conservées dans les archives de son dernier lieu de travail, l'université de Cambridge. Mais aucune trace des missives reçues par Arthur Eve à Montréal. 

     Excès de pudeur de la part de Stewie? Ou sursaut de modestie qui le pousse à ne pas vouloir apparaître dans ces pages consacrées à un homme qu'il admirait? 

En réalité, aucune de ces suppositions n'est correcte ; car la réalité est bien plus triviale : en 1935, Arthur Stewart Eve prend sa retraite et quitte le Canada pour retourner en Angleterre, son pays d'origine ; en 1948, il décède.

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     En 1982, le laboratoire de physique où Rutherford et Eve avaient travaillé ensemble est reconverti pour devenir l'une des bibliothèques du campus. Dans les tiroirs de vieux meubles destinés à être éliminés sont retrouver de nombreuses lettres : adressées à Arthur Stewart Eve, elles étaient signées, entre autres, William Henry Bragg, Frederick Soddy, Otto Hahn ou... Ernest Rutherford. Si Stewie n'avait pas pu exploiter les informations contenues dans les lettres que son ami lui avait écrite, c'était simplement parce qu'il les avait oubliées derrière lui en quittant le Canada. 

     L'ensemble de cette correspondance a été rassemblée et richement annotée par Montague Cohen, puis, après son décès, par A.J. Hobbins, deux chercheurs de Montréal. C'est une mine d'informations et c'est notamment dans ces documents que j'ai obtenu tous les détails du voyage d'Ernest et May à Stockholm en décembre 1908, pour la remise du Prix Nobel de Chimie.  Une ressource qui me fut précieuse pour la rédaction de cet épisode, inclus dans le deuxième tome de mon roman.

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