Les personnages de la vie de Rutherford
Joseph John Thomson (1856-1940)
Ernest Rutherford fut le premier étudiant-chercheur étranger recruté par J.J. Thomson en 1895. En misant sur un néo-zélandais sans aucun appui dans le monde cambridgien, "J.J." faisait un pari risqué. L'avenir lui démontra que c'était aussi la meilleure décision de toute sa vie.
Images :
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J.J. Thomson vers 1915. Source : Wikipédia.
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J.J. Thomson avec son fils George et sa fille Joan en 1909. Source : Science and Society Picture Library
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Etudiants du laboratoire Cavendish autour de J.J. Thomson (1897). Source : Science Museum London
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J.J. Thomson dans son laboratoire de recherche. Source : Rutherford's nuclear world, Center for History of Physics, American Institute of Physics
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Cavendish Laboratory Staff and Research Students, 1933. Source : Researchgate
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Joseph John Thomson and Ernest Rutherford at the Cavendish Lab in 1933. Source : University of Cambridge Digital Library.
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Tombes de Joseph John Thomson et Ernest Baron Rutherford of Nelson à Westminster Abbey - 1940s. Source : National Library of New Zealand.
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Rose Elisabeth (née Paget), Lady Thomson par Olive Edis. Source : National Portrait Gallery, London
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Tombe de J.J. et Rose Thomson à Westminster. Source : Sutori.
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Couvertures de deux livres de Joan Charnock. Source : Abebooks et Goodreads
Thomson lui-même avait dû batailler pour se faire une place à Cambridge.
Fils d'un commerçant de Manchester, il n'avait pas le pedigree des autres postulants (dont un certain Arthur Schuster) quand il proposa sa candidature à la direction du laboratoire Cavendish, le département de physique appliquée de l'université de Cambridge. Pire encore, il n'avait presque aucune expérience dans les activités de ce laboratoire, puisqu'il n'était ni physicien ni expérimentateur : il était mathématicien et il était handicapé par une maladresse qui rendait toute manipulation de matériel hasardeuse.
Il fut pourtant retenu pour le poste, au grand dam de certains assistants déjà en place depuis des années. Il débuta en décembre 1884, succédant ainsi à deux grands noms de la science, James Clerk Maxwell et John William Strutt, troisième Baron Rayleigh.
En 1890, il épouse l'une des chercheuses de son équipe, Rose Elizabeth Paget (1860-1951).
Elle met fin à sa carrière scientifique (puisque les femmes mariées ne pouvaient pas travailler), mais garde un pied dans le laboratoire : un mardi sur deux, J.J. organise un colloque dans le grand amphithéâtre du Cavendish : les chercheurs présentent leurs derniers travaux et un thé est servi à la fin. Rose Thomson s'occupe de l'intendance pour que personne ne manque de thé ni de petits gâteaux. Quelle magnifique mission !
J. J. et Rose auront eu deux enfants, George (1892-1975) et Joan (1903-1987).
Quand la possibilité se présenta de recruter des étudiants étrangers, en 1895, Thomson n'hésita pas une seconde : c'était pour lui une occasion de diversifier les profils des chercheurs de son équipe, en allant puiser quelques-uns des meilleurs éléments disponibles dans d'autres régions de l'Empire ; et c'était aussi une opportunité de rabattre le caquet des "purs" Cambridgiens qui lui avaient tenu la dragée haute lorsque lui-même était arrivé.
Il fit donc entrer au laboratoire Cavendish un néo-zélandais du nom d'Ernest Rutherford, puis, quelques semaines plus tard, un irlandais dénommé John Sealy Townsend et, enfin, au début de l'année 1896, un autre irlandais, John Alexander McClelland.
Tous trois s'engagèrent dans le domaine de prédilection de leur mentor : la conduction électrique dans les gaz.
Rutherford s'en éloigna progressivement, pour se concentrer tout d'abord sur un système de détection des ondes électromagnétiques à distance ; il s'intéressera ensuite brièvement aux rayons X et enfin s'investira dans le domaine de recherche qui allait devenir le fil conducteur de toute sa carrière : la radioactivité.
Fier de ses trois protégés, J. J. ne manqua pas une occasion de les mettre en avant, présentant leur premiers articles à la Royal Society dès le mois de juin 1896 et invitant même le tout premier d'entre eux à participer au colloque annuel de l'Association britannique pour le progrès de la science (British Association for the Advancement of Science, ou B.A.A.S., souvent abrégé en B.A.). Ce symposium, rassemblant plusieurs milliers de savants venant des quatre coins de l'Empire devait se tenir en cette année 1896, à Liverpool.
Pendant ce temps, J.J. Thomson continue sur sa lancée : en s'appuyant sur plusieurs de ses collaborateurs, dont l'irlandais John S. Townsend, il explore toutes les possibilités qu'offrent l'étude de la conduction électrique dans les gaz. Et c'est ainsi qu'en 1897, il met en évidence le premier constituant des atomes (que l'on croyait jusqu'alors totalement impossibles à décomposer en éléments plus petits). Si Thomson préfère désigner cette particule en utilisant le terme "corpuscule", la dénomination "électron" finira par s'imposer. Il reste aujourd'hui un mot-clé de notre vie quotidienne, envahie par l'électronique, les e-mail, l'e-business et tous les "e-quelque-chose" dans lesquels ce petit "e" évoque, très indirectement, un expérimentateur maladroit et un mathématicien hors pairs de la fin du XIXè siècle.
Mais l'aventure de J. J. s'est prolongé au XXè : développant dès 1904 un modèle d'atome (dit en "plum pudding"), il reçoit en 1906 le sixième prix Nobel de Physique pour "ses recherches théoriques et expérimentales sur la conductivité électrique dans les gaz".
Même si son "plum pudding " est détroné par le modèle atomique de Rutherford et Bohr au début des années 1910, J. J restera une figure majeure de la physique.
Il quittera son poste de directeur du laboratoire Cavendish de l'université de Cambridge en 1919. Il sera alors remplacé par un certain... Ernest Rutherford.
J. J. restera néanmoins dans les locaux, continuant des recherches personnelles. On le voit encore, assis à côté d'Ernest Rutherford sur cette photo de groupe rassemblant toute l'équipe du Cavendish en 1933.
On les retrouve tous deux en grande discussion, toujours au laboratoire Cavendish et en 1933, sur l'image qui suit.
J. J. Thomson, décèdera en 1940, trois ans après Ernest Rutherford (alors qu'il était son aîné de 15 ans).
Il le rejoindra dans la nécropole de l'abbaye de Westminster, à quelques pas de la tombe d'Isaac Newton.
Rose, son épouse (dont le portrait présenté ici date des années 1920), sera inhumée au même endroit en 1951.
En 1937, l'année de la mort de Rutherford, le fils de J.J. et Rose, George Paget Thomson, recevra le prix Nobel de physique, « pour la découverte de la diffraction des électrons par les cristaux ». L'électron était donc une histoire de famille.
Joan Paget Thomson, la petite sœur de George jouera un rôle plus indirect dans la vie du laboratoire Cavendish : son père lui confiera en effet la responsabilité d'accueillir les épouses des chercheurs de la jeune génération. C'est ainsi qu'elle deviendra l'amie d'Anna Kapitza, la femme de Piotr Kapitza, un chercheur russe qui fut un élément-clé de l'équipe de Rutherford dans les années 1920-1930.
Pour autant, Joan aura aussi sa propre destinée, hors du domaine de son père et de son frère, puisqu'elle deviendra autrice de livres (surtout pour enfants, mais pas uniquement) sous le nom de Joan Charnock : elle a effectivement épousé en 1946 un dénommé Harry H. Charnock. De 30 ans son aîné, il a vécu une première vie en Russie (comme footballeur, entre autres), où il a eu deux enfants.
Joan et Harry auront une fille ensemble, mais le mari aura apparemment une autre influence sur son épouse : les thèmes de ses ouvrages seront essentiellement liés à la Russie et la Pologne. Elle publiera notamment en 1968 une biographie de Lénine.
Sources :
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J.J. Thomson and the Cavendish laboratory in his day, George Paget Thomson,
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The Life Of Sir J J Thomson, Robert John Strutt Lord Rayleigh
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Flash of the cathode rays : a history of J.J. Thomson's electron, Per F. Dahl
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The Cavendish Laboratory, 1874-1974, James Gerald Crowther
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The Charnock Family, in Franck's Life Story
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History of Physics, Melba Phillips ; Spencer R. Weart, page 216 (article "Piotr Kapitza, octogenarian dissident")
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Writers Directory 1980-1982, page 215 : œuvres de Joan Charnock