Les autres lieux visités par Rutherford
Adelaide (AUS)
1895 : lors de son trajet entre la Nouvelle-Zélande et l'Angleterre, Ernest Rutherford fait une halte à Adelaide. Il en profitera pour faire un saut à l'université, afin de saluer le professeur de "mathématiques et physique appliquée" du lieu, William Henry Bragg.
Ni l'un ni l'autre ne se doutaient alors des liens qui se tisseraient entre eux quelques années plus tard.
1914 : Rutherford revient à Adelaide, dans le cadre du meeting annuel de la British Association for the Advancement of Science, programmé dans plusieurs vilels d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Son navire accoste quelques jours seulement après la déclaration de guerre du Royaume Uni à l'Allemagne. Le colloque de la BAAS s'en trouve modifié, mais les réunions principales sont maintenues.
Image : King William street, Adelaide, 1889. Source : Wikipédia
Bad Ischl (AUT)
1913 : durant l'été, Ernest Rutherford, accompagné de son épouse, May, et de sa fille Eileen, gagne l'Europe continentale au volant de sa Wolesley-Siddeley.
La petite famille rejoint l'Allemagne, où elle est attendue par Hans Geiger. Le rendez-vous est fixé à Rothenburg. Après quelques jours qui conduit la petite troupe à Munich, Geiger rentre à Berlin. Il est remplacé par Bertram Boltwood, l'ami américain de Rutherford.
Plusieurs sources indiquent qu'ils passent ensuite trois semaines à sillonner le Tyrol et les Dolomites
(région italienne mais qui, à l'époque, était incluse dans le territoire autrichien).
Malgré de longues recherches, je n'ai pas trouvé de détails sur l'itinéraire suivi, à part pour une étape : le 7 août, nos trois touristes sont mentionnés comme clients d'un hôtel de Bad Ischl.
Cette ville thermale accueillait surtout une résidence impériale. Elle se situe non loin de Salzbourg.
La Fremden-Liste (liste des étrangers) de Bad Ischl, datée du 8 août 1913 indique les noms des clients des différents hôtels et maisons d'hôtes.
Source : ANNO (AustriaN Newspapers Online) Österreichische Nationalbibliothek
Aux deux premières lignes de la liste de l'Hotel Austria figurent le Professeur Rutherfort (sic) et Madame, suivis du Professeur Boltwood.
Le bâtiment de l'Hotel Austria existe toujours, mais est désormais occupé par le musée municipal de Bad Ischl.
Source de l'image : Austria Forum, photographie réalisée par Ewald Judt.
La suite du voyage a conduit la Wolesley-Siddeley dans les paysages grandioses des Alpes du sud, et notamment sur la route représentée ci-dessous : la Grande Route des Dolomites, achevée en 1909.
Comme je l'ai dit, je ne connais pas l'itinéraire exact (c'est-à-dire les autres points d'arrêt après Bad Ischl), mais il très probable qu'Ernest Rutherford soit passé par là (il n'y avait pas vraiment d'autre choix pour traverser les dolomites).
Source de l'image : Lagazuaoi Dolomiti (le site présente beaucoup d'autres images magnifiques)
Image : la Cité de Carcassone et la porte d'Aude au début du XXè s. Source : Drouot-Morand
Carcassonne (F)
1912 : en avril, après une réunion du Comité du radium à Paris (où il reverra Marie Curie), Ernest gagne Le Havre. Il y rejoint son épouse, May, ainsi que son ami William Henry Bragg, désormais installé à Leeds. Mais il retrouve aussi sa chère Wolesley-Siddeley.
May, Ernest et WHB partent alors pour un périple de trois semaines qui les conduira jusqu'à Carcassonne et les Pyrénées.
Il faudra ensuite rentrer à Manchester, ce qui représente 1600 km. Avec des pointes de vitesse à 30 km/h, mais une moyenne de 20 km/h. Je vous laisse calculer le temps de trajet.
1927 : "Congresso internazionale dei fisici".
Cette réunion internationale a pour objectif premier de commémorer le centenaire de la mort d'Alessandro Volta, figure de Côme et précurseurs de l'étude de l'électricité.
Les physiciens quantiques sont fortement représentés, mais Rutherford, qui s'en démarque, est également présent à l'Istituto Carducci de Côme, du 11 au 16 septembre 1927.
Le congrès est ouvert le 11 septembre par Quirino Majorana, président de la Société italienne de physique, et se conclut par une visite de l'Université de Pavie, le 17 septembre, puis par un rassemblement à Rome, au Capitole, à l'occasion duquel Guglielmo Marconi prononce un discours en l'honneur de Volta et en présence de Mussolini.
Entre temps, Niels Bohr a eu l'occasion de présenter son principe de complémentarité pour la première fois. Enrico Fermi s'est exprimé également. Ernest Rutherford a eu aussi le plaisir de revoir Hendrik Lorentz ou encore William Lawrence Bragg.
Le grand absent de cette célébration de la science italienne est Albert Einstein, qui a refusé de faire le déplacement pour marquer sa désapprobation avec Mussolini.
Côme (I)
Images :
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Como -Tempio Voltiano (Temple de Volta), construit en 1927. Source : Wikipédia.
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Participants au congrès devant l'Istituto Carducci . Source : JSC15 Journal dal Lago di Como, Lecco e Brianza.
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Dérail de la photo précédente, montrant Ernest Rutherford, Robert Millikan et Hendrik Lorentz.
Image : tram de Genève, boulevard de Plainpalais
Source : Alain Gavillet
Genève (CH)
1903 : réunion de la WCTU, Women's Christian Temperance Union (Union chrétienne des femmes pour la tempérance) .
Mary Newton (belle-mère d'Ernest) est la représentante de la Nouvelle-Zélande à ce colloque international. Ernest et May ont fait le voyage en Europe depuis Montréal pour qu'Ernest défendre auprès des scientifiques britanniques les théories de la radioactivité qu'il a développé en partenariat avec Frederick Soddy. Le jeune couple (et leur fille Eileen) profitent d'être de ce côté de l'Atlantique pour prendre quelques jours de congés sur le continent : à Genève, donc, puis à Paris sur le chemin du retour (ce qui sera l'occasion de la première rencontre avec Marie Curie).
Hawkcraig (UK)
1915 : la Royal Navy crée un centre de recherches à proximité du village d'Aberdour, en Écosse. Cette pointe, dénommée Hawkcraig, fait face à Edimbourg sur l'estuaire du fleuve Forth.
Placé sous l'autorité d'un officier de marine, le capitaine Cyril Ryan, ce site travaille de manière très empirique sur des systèmes de détection de sous-marins.
Nommé au sein du groupe d'experts du Board of Invention and Research, Ernest Rutherford prend les choses en main à partir de septembre1915. Il commence par faire des essais dans des cuves installées dans son laboratoire de Manchester, puis transpose ses travaux en conditions réelles, à la station expérimentale fu Firth of Forth. En novembre, il missionne deux assistants, Albert Beaumont Wood et Harold Gerrard pour réaliser ces tests à Hawkcraig, mais il continue à s'y rendre très régulièrement.
En mai 1916, William Henry Bragg prend la tête de ce petit groupe de scientifiques, mais Rutherford ne cessera pourtant pas de visiter le site d'Aberdour, puisqu'il restera impliqué dans les travaux sur la détection des sous-marins jusqu'en 1917.
Image : Aberdour et Hawkcraig Point (écrit "Hallcraig Pt"),
Source : National Library of Scotland
Ordnance Survey > One-inch Popular, England and Wales, 1919-1926 / Scotland, 1921-1930
Kamouraska, Lost River, etc. (Can, UK, NZ)
Leur premier été après leur installation à Montréal (et la naissance de leur fille Eileen fin mars 1901), Ernest et May le passèrent en ville. Dès l'année suivante, ils décidèrent de s'éloigner : la chaleur et la pollution ne constituaient pas un cadre idéal pour des vacances d'été. Ils choisirent les destination suivante :
1902 : Kamouraska, dans la région du Bas-Saint-Laurent, à quelque cent dix miles au nord de Québec.
1903 : ils traversèrent l'Atlantique à la fin du printemps pour qu'Ernest aille présenter ses dernières découvertes à Londres et pour qu'il participe au colloque annuel de la B.A., l’Association britannique pour le progrès de la science, à Southport. Leur vacances les conduisirent à Genève, Paris et Chester, dans le Cheshire. Initialement, ils avaient programmé un séjour au Pays de Galles, pour pouvoir profiter de la proximité de la mer et être proches de Southport, mais le temps calamiteux les avait rapidement poussés à fuir un peu plus à l’intérieur des terres. Pendant ce séjour à Chester, les Rutherford reçurent Frederick Soddy, désormais en poste à Londres, le Professeur Robert Laing, de Christchurch (venu pour le colloque de Southport) et Charles Newton, le frère de May, étudiant en médecine à Édimbourg.
1904 : May et Ernest prennent une maison de location "près d’un lac dans les Laurentides". Je n'ai pas réussi à obtenir plus de précision sur la localisation. En revanche, j'ai retrouvé dans différentes sources la liste des visiteurs qui se joignirent au jeune couple et à leur fille : Charlie Newton, le frère de May, toujours étudiant en médecine à Édimbourg ; Mrs Newton, la mère de May (et de Charles), en provenance directe de Christchurch ; Jack Erskine, camarade d’université d’Ernest à Christchurch ; John William Joynt, ancien principal du College de Nelson ; et, enfin, la première représentante de la tribu Rutherford à poser le pied sur le sol nord-américain : Ethel, la septième des membres de la fratrie d'Ernest encore vivants, mais la troisième à s’être mariée (elle était de ce fait accompagnée de son mari Henry Sergel et leur fils de deux ans, Carl). En septembre, Ernest retournera à Montréal, tandis que May et sa fille repartiront avec les néo-zélandais pour que la petite Eileen aille découvrir le pays de naissance de ses parents et, surtout, ses grands parents paternels.
1905 : Ernest rejoint May et Eileen en Nouvelle-Zélande. Les vacances se déroulent entre Pungarehu (chez Martha et James Rutherford) et Christchurch (chez Mrs Newton). Cependant, Ernest et May s'octroient un petit périple en amoureux : la jeune femme va attendre son mari à l'arrivée du steamer à Auckland ; ils y restent une nuit, au Grand Hôtel ; ils gagnent la région des lacs de Rotorua par le train, puis filent au sud, sur les rives du lac Taupo, avant de suivre le cours de la rivière Wanganui jusqu’à la ville du même nom. Puis ils reprennent le train vers New Plymouth pour rejoindre Tipoka, la maison familiale des Rutherford.
1906 : Lost River, à soixante-dix miles au nord-ouest de Montréal. C'est le dernier été qu'Ernest et May passent au Canada : au printemps 1907, il quitteront Montréal pour Manchester.
1907 : l'été qui suivit l'installation de Rutherford à Manchester fut surtout consacré à l'installation dans cette nouvelle ville et ce nouveau laboratoire. May et Eileen séjournèrent initialement à Londres, en compagnie de Mrs Newton, la mère de May, et d'Harriet Brooks, qui était pressentie pour rejoindre l'équipe de Rutherford à Manchester. Mais les choses ne se passèrent pas exactement ainsi. Ernest, après avoir pris ses marques à l'université de Manchester, rejoignit sa famille, qui séjournait dans un hôtel du quartier de Bayswater.
1908 : Llanrwst (prononcé [ɬanˈruːst] en gallois), village du comté de Conwy au nord du Pays de Galles, où Ernest n'avait rien d'autre à faire que dormir, lire et manger – il n’y avait même pas de terrain de golf !
Images :
(1) Terrasse Wellington et la plage, Lowestoft
Source : Suffolk Travel Guides & Information
(2) Ernest et ses compagnons de vacances. Source : AIP
Lowestoft (UK)
1896 : vacances de Pâques, en compagnie de quelques autres étudiants de Cambridge, dont Richard MacLaurin (assis à droite)
New York (US)
Deux raisons principales ont conduit Ernest Rutherford à New York : ses voyages transatlantiques et sa participation à des réunions de l'American Physical Society.
Dans le premier cas, cela s'explique par le fait que, depuis l'Angleterre ou la France, l'arrivée des paquebots empruntés par Rutherford se faisait à New York, à l'exception, évidemment, des voyages qu'il effectua durant la période qu'il vécut à Montréal (1898-1907), ville elle-même reliée au Vieux Continent.
C'est ainsi que, par exemple, il débarqua dans la mégalopole américaine le premier juin 1904, arrivant de Liverpool sur le paquebot Cedric.
En décembre 1914, ce fut pour embarquer à bord de l'Adriatic qu'il passa par le port de New York (où il avait logé au Murray Hill Hotel, au 112 Park Avenue, entre les 40e et 41e rues). Il retournait alors à Manchester, bouclant ainsi le tour du monde qu'il avait commencé avant l'été et qui l'avait conduit en Australie, en Nouvelle-Zélande, puis en Amérique du Nord via San Francisco.
Images :
(1) Fayerweather Hall, Columbia University, vers 1900
Source : Library of Congress
(2) Murray Hill Hotel, vers 1910. Source : GeographicGuide
(3) Vanderbilt Hotel, vers 1910. Source : MediaStoreHouse
(4) Western Electric Company, 463 West Street. Source : The Buildings that Host the High Line, Clay Grable, 2013
(4) Ritz-Carlton Hotel, Madison Ave. & 46th St., 1911. Source : Wikipédia
(5) Plan partiel de l'université Columbia en 1916 (le Fayerweather Hall est à droite, au-dessus de la St-Paul Chapel). Source : Wikipedia
(6) Vue aérienne du sud de Manhattan en 1903. Source : GeographicGuide
Le 29 mai 1917, venant de Bordeaux, voyageant alors à bord du navire français l'Espagne, il séjourna, juste pour une nuit, à l’hôtel Vanderbilt, à l'angle de Park Avenue et de la 34e rue est. Sa destination était en réalité Washington, où se tinrent plusieurs jours de suite diverses réunions avec les responsables de la National Research Association et des délégations française et britanniques.
Du 11 au 13 juin 1917, Ernest revint à New York, visita la Western Electric Company, localisée dans un bâtiment au 463 West Street, et il séjourna au Ritz Carlton Hotel, situé à l'angle de la 46e rue et de Madison Avenue. Il fit également un court déplacement au centre d'expérimentation de Nahant, dans le Massachusetts, près de Boston.
Il retourna à Washington du 13 au 18 juin, puis revint à New York. Cette fois-ci, il se rendit dans une base sous-marine à New London (Connecticut), et visita aussi les installations de Thomas Edison, à Orange, dans le New Jersey.
Il se rendit ensuite dans les environs d'Albany, capitale de l'état de New York, et plus précisément à Schenectady, à une trentaine de kilomètres au nord ouest, pour y rencontrer des représentants de General Electric, société de Thomas Edison.
Il prolongea son périple jusqu'à Montréal, pour y revoir de vieux amis, et revint à New York le 28 juin pour reprendre un navire vers l'Angleterre.
En ce qui concerne les réunions de l'American Physical Society, elles furent nombreuses. Ernest évoque quelques-unes d'entre elles dans ses courriers et ont en retrouve la mention dans les diverses biographies qui lui sont consacrées (voir la page Sources).
Le fait est que le professeur Rutherford, basé à Montréal, était LE spécialiste d'un domaine tout nouveau, la radioactivité, découverte en 1896, qui justifiait son intégration dans cette association, entre autres. L'American Physical Society, encore plus jeune, puisqu'elle avait vu le jour en 1899, l'accueillit dès sa quatrième réunion, le 24 février 1900. Il en resta membre jusqu'en décembre 1907, quelques mois après avoir quitté Montréal pour Manchester.
Sur le plan pratique, les réunions de l'American Physical Society se tenaient au sein de l'Université Columbia et plus précisément dans le Fayerweather Hall, situé sur Amsterdam Avenue, à la hauteur de la 118e Rue.
En avril 1914, Ernest Rutherford, toujours en poste à Manchester, revint à New York pour une autre raison : il était invité à donner des conférences dans différentes villes des Etats-Unis et à Montréal. Cette fois-ci encore, le lieu qui l'accueillit à New York fut l'université Columbia.
Philadelphie (US)
1906 : bicentenaire de la naissance de Benjamin Franklin, du 17 au 20 avril.
À cette occasion, Ernest fit la connaissance de Hendrik Lorentz : le physicien hollandais était en résidence pendant un mois et demi à l’université Columbia de New York. Il y donnait, trois fois par semaine, des conférences sur la théorie de l’électron. pour une série de conférences qu'il donnait à l'université Columbia, à New-York.
Les deux hommes se retrouveraient en 1910 à Bruxelles, pour le congrès de radiologie, puis à plusieurs reprises au cours des années suivantes, toujours dans la capitale belge, dans le cadre des Congrès Solvay.
Les célébrations se déroulèrent tout d'abord à Witherspoon Hall, puis dans les locaux de l'université (fondée par Benjamin Franklin) et, enfin, sur sa tombe.
Rutherford fit une présentation, intitulée "The Modern Theories of Electricity and their Relation to the Franklinian Theory" (Les théories modernes de l’électricité et leur relation avec la théorie de Franklin). Comme tout les participants, Ernest était présent pour rendre hommage au grand homme d'état et grand scientifique mort dans cette ville 116 ans plus tôt. Mais il n'avait pas pour habitude de prendre des pincettes et encore moins de porter au pinacle de simple mortels, quels qu'ils soient.
Sa conclusion fut donc pleine de franchise :
« La théorie mise en place par Franklin à une époque où l’on en savait si peu sur l’électricité était certes remarquable, mais si elle a pu survivre pendant plus d’un siècle, c’est au prix de nombreuses modifications. Nous devons éviter, par conséquent, d’exagérer indûment la valeur de ses contributions et de sous-estimer l’importance fondamentale et la portée des travaux réalisés depuis son époque pour mieux comprendre l’électricité. Franklin était doué d’une sagacité exceptionnelle, mais retenons-nous de lui attribuer le moindre don de prophétie.»
Ça n'était pas très gentil pour l'homme du jour ; mais ce n'était pas si terrible par rapport à l'autre remarque que fit Rutherford lança, plus tard dans la journée à propos de ce pauvre Benjamin Franklin :
« Le vieux Ben avait bien d’autres talents en dehors de la physique et de la politique. N’oublions pas qu’il a participé merveilleusement à l’accroissement de la population de Londres, de Paris et de Philadelphie »,
Ces deux saillies n'empêchèrent pas l'Université de Pennsylvanie de remettre à Ernest un titre honoraire. Ce genre de distinction factice (normalement réservée aux septuagénaires, comme il le confia à sa mère en lui racontant l'épisode) le faisait doucement sourire, d'autant plus quand, comme ce fut le cas à Philadelphie, vingt autres personnes la recevaient en même temps que lui. Parmi ceux-ci, il y avait Lorentz, bien sûr, mais aussi deux hommes qui ne firent pas le déplacement pour récupérer leur diplôme : le Roi d'Angleterre et un Italien dénommé Guglielmo Marconi - un personnage qu'Ernest n'avait jamais rencontré, mais qu'il ne risquait pas d'avoir oublié.
Sources :
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The record of the celebration of the two hundredth anniversary of the birth of Benjamin Franklin, by the American Philosophical Society, pages 156 & 157
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The Franklin Bi-centenary, Science 22 juin 1906
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Rutherford: being the life and letters of the Rt. Hon. Lord Rutherford, O.M., Arthur Stewart Eve, 1939, page 147
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Rutherford and Boltwood : letters on radioactivity, page 134
Postbridge (UK)
Postbridge, Devon, est un hameau au croisement de petites routes du Dartmoor (voir plan ci-dessous).
Ses particularités sont un pont en dalles de pierre du XIIIe (clapper bridge ou "cyclopean" bridge, images 1 et 2) et un hôtel.
En 1911, sous la direction de Solomon Warne, l'établissement (image 3) était un "Temperance Hotel". Il n'était pas le seul du pays et constituait ainsi une étape de choix pour les ennemis de l'alcool.
Parmi les défenseurs de la sobriété, se trouvait May Rutherford, épouse du patron des physiciens de l'université de Manchester. Ayant perdu son ivrogne de père alors qu'elle n'était qu'une enfant, elle avait suivi sa mère, Mary Newton, dans sa lutte contre ce fléau. Mrs Newton avait aussi participé à la campagne pour le droit de vote féminin... que la Nouvelle-Zélande avait été le premier pays au monde à instaurer. Mais c'est une autre histoire.
Sous l'influence de son épouse, Rutherford était donc abstinent et sélectionnait ses lieux de villégiature en conséquence. Ainsi, début avril 1911, le couple logeait au Temperance Hotel de Postbridge.
Comment le sais-je ?
Le 2 de ce mois se déroula le recensement décennal de l'Angleterre et du Pays de Galles (image 5). Noms, prénoms, âge, lien avec le chef de famille, occupation, lieu de naissance figurent sur le document, numérisé et accessible sur findmypast.co.uk
J'ai alors constaté (image 8) que 2 autres mancuniens accompagnaient les Rutherford : Hilda Johnstone (image 6), historienne, collaboratrice et belle-sœur de Thomas F. Tout, ponte de l'université et ami d'Ernest ; et Charles Galton Darwin (image 7), mathématicien, assistant de Rutherford et petit-fils de son célèbre grand-père, dont il avait hérité du prénom.
Sources des images :
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1 (pont en 1910) : Devonshire, by Francis A. Knight & Louie M. (Knight) Dutton, 1910 (Project Gutenberg)
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2 (pont, époque atuelle) : Wikipédia
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Plan & image 3 (hôtel) : dartmoorexplorations.co.uk
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6 (H. Johnstone) : picclick
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7 (C.G. Darwin) : Wikipedia
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4, 5 & 8 (fiches de recensement) : FindMyPast
Mais où était Eileen, la fille de May et Ernest ? Le même recensement (image 8) indique qu'elle était restée à Manchester, avec la domestique.
Et cette source fournit aussi le nom de ce personnage secondaire : Jessie Noden.
Sortie de l'oubli, elle figure, elle aussi, dans mon roman.
Image : Wikipédia
Rothenburg (DE)
Été 1913 : la famille Rutherford (May, Ernest et la petite Eileen, alors âgée de 12 ans) gagne l'Europe continentale. Les vacances commencent par une halte à Rothenburg, où Hans Geiger, en provenance de Berlin, rejoint son ancien patron de Manchester. Ils passent quelques jours ensemble, avant de se séparer à Munich.
Dans la capitale bavaroise, Ernest retrouve un autre ami : le chimiste américain Bertram Boltwood, qui ne perd pas une occasion de visiter ce pays où il a fait une bonne partie de ses études et qu'il affectionne tout particulièrement. Aucun des trois amis ne peut alors deviner que l'année suivante remettra en cause les liens qui les unissent.
En attendant, Boltwood et la famille Rutherford continue leur périple : ils sillonnent en voiture le sud de l'Allemagne, le Tyrol et enfin les Dolomites pendant trois semaines.
Source : Rutherford: being the life and letters of the Rt. Hon. Lord Rutherford, O.M., Arthur S. Eve, 1939, page 223
Carte du sud de l'Empire allemand et de l'ouest de l'Autriche-Hongrie, datant de 1911 (détail).
Source : Université du Texas.
Rothenburg est situé à proximité de Nuremberg (en allant vers l'ouest)
Le Tyrol est une partie des Alpes qui se trouve en partie en Autriche et en partie en Italie (région du Haut-Adige, autour de Trente)
Les Dolomites sont un massif montagneux qui s'étend dans le nord de l'Italie, à peu près entre Trente et Belluno
Image : panorama des Dolomites.
Photo : Harry J Burgess, via Pixabay
Image : Picryl
San Francisco (US)
1906 : cours à Berkeley, de fin juin à début août. L'auditoire, composé d'enseignants et de chercheurs, était bien plus attentif que les étudiants agités dont Ernest avait l'habitude à Montréal.
Pendant son séjour, il découvre les ruines de San Francisco, ravagée au mois d'avril précédent par un tremblement de terre et des incendies.
Il faut aussi la connaissance de Jacques Loeb, un biologiste qui lui fait découvrir son travail sur la parthénogénèse des oursins. Ernest accueillera le fils de Jacques, Leonard, des années plus tard dans son laboratoire de Cambridge. Il rencontre aussi les Taylor qui serviront de guides à May lors de leur voyage à Stockholm deux ans plus tard.
Toujours aussi friand d'échanges épistolaires, il écrit tous les deux jours à May, son épouse, restée à Montréal avec leur fille ; elle lui répond bien moins souvent. Il travaille aussi à finaliser son deuxième livre, en établissant son index et réalise quelques expérimentations sur le radium dans les locaux de l'université.
Sur le trajet du retour vers Montréal, Ernest fait une halte au Grand Canyon.
Image : The San Francisco call - 30 July 1906 - Source : Chronicling America.
San Francisco était aussi le port d'embarquement pour rejoindre la Nouvelle-Zélande (Auckland pour être précis), via Apia, aux Samoa allemandes.
Ernest y embarquera en 1900 pour aller se marier. May et Eileen en partiront en 1904 pour que la jeune mère aille présenter sa fille aux parents d'Ernest. Ce dernier prendra la bateau l'été suivant pour aller les rejoindre.
Winnipeg (CAN)
1909 : colloque annuel de la British Association for the Advancement of Science.
Il s'agit de l'une des rares éditions de ce colloque qui se déroule hors des îles britanniques : depuis la création de la BA en 1831, c'est seulement la quatrième fois que l'association s'éloigne ainsi du centre de l'Empire. Le Canada avait déjà été choisi en 1884 et 1897, avec des réunions organisées respectivement à Montréal et Toronto. La troisième édition "lointaine" s'était tenue en 1905 en Afrique du Sud,
La présidence du symposium de Winnipeg est assurée par J.J. Thomson, mais Ernest Rutherford est lui aussi mis en avant : il préside en effet les débats de la section A, rassemblant physiciens et mathématiciens. Poste honorifique qui montre bien l'importance qu'il a acquise au sein de la communauté scientifique.
En plus de J.J., Ernest retrouve d'autres de ses connaissances et notamment trois de ses collaborateurs du temps où il exerçait à Montréal : l'Allemand Otto Hahn, l'Anglais Arthur Stewart Eve et l'Américain Howard Barnes, qui avait été promu au poste de Rutherford quand ce dernier avait quitté le Canada en 1907. Une fois le colloque terminé, Ernest fera une escale à Montréal avant de regagner l'Angleterre ; il reverra à cette occasion une autre de ses anciennes collaboratrices (et sans doute la plus douée), Harriet Brooks.
Image : Wikipédia
Le choix de Winnipeg pour cette réunion annuelle de la B.A. est le résultat d'un travail de lobbying intense de quelques intellectuels de cette cité du Manitoba, au premier rang desquels le Révérend George Bryce, fondateur du Manitoba College, l’un des deux établissements d’enseignement supérieur de la ville.
Avec quelques autres notables, il avait commencé dès 1905 à chercher des appuis locaux et nationaux, dans le monde politique autant que scientifique. Il avait ainsi obtenu le soutien de la Royal Society of Canada et l’aide précieuse du premier ministre du Canada en personne, Sir Wilfred Laurier, qui avait, de surcroit, apporté une contribution de vingt-cinq mille dollars.
En 1909, Winnipeg ne peut que tirer profit de ce rassemblement de centaines de grands scientifiques sur son territoire. Cela fait seulement 35 ans que la ville existe, elle compte un peu plus de cent vingt mille habitants (soit sept fois moins que Manchester, où Rutherford habite depuis deux ans) et rivalise difficilement avec les métropoles nord-américaines. Elle est pourtant, extrêmement dynamique : des constructions sortent de terre continuellement, des institutions dignes d'une grande cité sont créées (dont le Manitoba College cité précédemment) et elle voit sa population tripler au cours de la décennie précédent cette réunion de la British Association.
Sources :
Images :
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Le révérend George Bryce caricaturé en 1909 en train de prononcer le discours inaugural du colloque de la B.A. Source : Manitoba Historical Society
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Broadway, l'avenue où se trouvait le bâtiment accueillant le colloque (tour carré sur la droite). Source : Past Forward - Winnipeg's digital public history